Pablo Jensen – Sciences et machines

Nous sommes embarqués dans la grande accélération, qui menace aujourd’hui l’existence de la population humaine globale. Nous tenterons un parallèle entre les logiques des révolutions scientifique et industrielle, qui mettent en place des circuits longs pour, respectivement, expliquer ou métaboliser le monde. La grande accélération serait alors produite par la synergie entre sciences expérimentales et industrie, menant à la création de boucles de rétroaction positive stables permettant d’aspirer et contrôler le monde. Première séance du cours du physicien Pablo Jensen (Ecole normale supérieure de Lyon).

Nous commencerons par analyser la logique des premières étapes de la révolution scientifique (Galilée, Newton…) en les reliant à celles de la révolution industrielle, grâce notamment à l’idée de « Engine Science » (Caroll-Burke, 2001). Nous nous demanderons ensuite, de manière plus générale, ce qu’on gagne et ce qu’on perd lorsqu’on passe d’un circuit court à un circuit long : quand on fait un détour par un laboratoire ou un centre de calcul pour maîtriser un phénomène ou quand on bâtit une usine de production de masse au lieu d’engendrer ses ressources localement.

Nous conclurons l’exploration de ce parallèle entre sciences et machines en nous interrogeant sur la nécessité de refonder les sciences expérimentales pour les rendre « Terrestres ».

Principales références qui seront analysées et discutées dans ce cours :

James Beniger, The control revolution, 1986 Christophe Bonneuil, Pure lines as industrial simulacra. A cultural history of genetics from Darwin to Johannsen, MIT Press, 2016 Patrick Carroll-Burke, Tools, instruments and engines: Getting a handle on the specificity of engine science; Social Studies Of Science, 2001 William Cronon, Nature’s metropolis, 1991 John Dewey, La quête de certitude, 1929 Yves Gingras, What did mathematics do to physics? Hist Sci, 2001 Pablo Jensen, Deep Earnings, C&F Editions, 2021 Nick Land, Accélérer le capitalisme. Bruno Latour, La Science en Action, 1986. Joel Mokyr, Accounting for the Industrial Revolution, Cambridge Histories Online, 2013 Andy Pickering, The Mangle of Practice, 1995 Karl Polanyi, La grande transformation, 1944 Isabelle Stengers, L’irruption de gaïa, 2013

Pablo Jensen est chercheur au CNRS, membre du laboratoire de physique de l’ENS de Lyon et de l’Institut des Systèmes Complexes. Après avoir modélisé la matière, il se consacre depuis une vingtaine d’années à la modélisation des systèmes sociaux, notamment sur les questions épistémologiques et politiques qu’elle soulève. Préoccupé par la profonde mutation écologique, il a co-fondé la Fabrique des Questions Simples (simple-question.org). Il est notamment l’auteur de Des atomes dans mon café crème (Seuil, 2001), Pourquoi la société ne se laisse pas mettre en équations (Seuil, 2018) et Deep Earnings. Le néolibéralisme au coeur des réseaux de neurones (C&F Editions, 2021).

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