Philippe Billet -Ruptures à l’ère de l’anthropocène 

L’ère de l’Anthropocène induit un profond renouvellement des rapports de l’homme à l’environnement et, partant, réinterroge les rapports juridiques à celui-ci. Elle impose de sortir du cadre dans lequel ces rapports étaient traditionnellement inscrits, dès lors que la distinction traditionnelle entre les personnes et les choses est bousculée par l’attribution de la personnalité juridique à des animaux ou des éléments naturels ; que le droit de propriété, égoïste par nature, se trouve confronté à la montée d’une approche plus communautariste de l’environnement, défendue comme susceptible de renforcer sa protection ; que la diversité des rapports de l’homme à l’environnement se traduit le plus souvent par des inégalités qui ne sont plus défendables dans un esprit de durabilité, mais que le droit peine à combattre, voire entretien. La nuit devient par ailleurs un objet de droit, une nouvelle préoccupation dès lors que l’on s’intéresse aux effets de la rupture des cycles naturels par son éclairage, comme le sol dont on feint de découvrir la finitude et la fragilité et qui, sortant de l’anonymat dans lequel il était juridiquement contenu, modifie les rapports à l’espace et à la biodiversité. Les services écosystémiques, enfin, essentiels et plus particulièrement l’un d’entre eux, la pollinisation, dont on découvre l’intérêt du fait de sa raréfaction et dont il faut désormais assurer la protection, pour laquelle le droit est singulièrement désarmé. Ce ne sont là que quelques-unes des ruptures que l’on peut identifier, choix arbitraire sans doute, assumé certainement, qui permettront d’illustrer le rôle et les limites du droit face à ces nouveaux enjeux. Une approche hors des sentiers battus en tout cas, une invitation à l’école buissonnière.

Philippe Billet est Professeur agrégé de droit public à l’Université Jean Moulin – Lyon 3, directeur de l’Institut de droit de l’environnement de Lyon (CNRS – UMR 5600 – EVS-IDE), membre du Labex IMU. Spécialiste de droit de l’environnement, il s’intéresse plus particulièrement à la protection de la biodiversité, au droit des sols, au régime juridique des services écosystémiques, au droit des déchets et des risques et à la fiscalité environnementale. Président d’honneur de la Société française pour le droit de l’environnement, il est par ailleurs membre du Conseil national de la protection de la nature, du Comité de l’environnement polaire et du Conseil scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

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