Karine Vanthuyne – La décolonisation des savoirs universitaires à l’heure de l’anthropocène

La survie de l’espèce ne reposerait-elle pas sur les systèmes de connaissances écologiques des Premiers peuples, ces derniers étant non pas animés par la logique « extractiviste » des systèmes de savoirs scientifiques occidentaux, mais fondés sur une relation de réciprocité avec les territoires ancestraux ? Or la dénonciation de la colonialité même du concept d’« Anthropocène » (Yusoff, 2018), comme de la représentation des Autochtones comme étant « fondamentalement écologistes » (Melissa, 2006), nous conduit à nous interroger tant sur les enjeux théoriques auxquels la « décolonisation des savoirs » renvoie, que sur les tensions politiques que les discours et actions de ses défenseur·se·s suscitent. Que signifie « décoloniser les savoirs » enseignés en salle de classe ? Quel·le·s sont les porteur·se·s, comme les critiques, de ce mouvement ? L’université, cette institution des Lumières originellement fondée sur la séparation de la raison des perturbations de la passion, peut-elle vraiment devenir le lieu du travail affectif que la décolonisation de ses pratiques pédagogiques ou d’enquête requerrait chez tout·e chercheur·se qui s’y engagerait (Battiste, 2013 ; Zembylas, 2021 ; Stein, 2020) ? 

Dans ce cours, j’explorerai les origines historiques, fondements théoriques et expressions diversifiés du mouvement pour la décolonisation de la recherche et de l’enseignement universitaire, devenu global. J’analyserai ensuite, à la lumière de mes travaux de recherche sur l’« autochtonisation » des cursus universitaires au Canada, les débats et espoirs que ce mouvement suscite, et ce tant au sein des universités qu’en dehors de leur enceinte.

Vanthuyne Karine est professeure agrégée d’anthropologie, directrice du Groupe de recherche interdisciplinaire sur les territoires de l’extractivisme (GRITE) et titulaire d’une chaire en enseignement universitaire à l’Université d’Ottawa. Au carrefour de l’anthropologie juridique, médicale et politique et des études autochtones, ses recherches portent sur les revendications autochtones de justice au Guatemala et au Canada en contexte dit de « justice transitionnelle », de développement minier, et de décolonisation des curriculums universitaires. Dans l’ensemble de ses travaux, Karine Vanthuyne porte une attention particulière aux méthodologies et aux protocoles qui se doivent d’être utilisés pour soutenir des processus de recherche de nature véritablement participative et décoloniale.

Battiste, M. (2013). Decolonizing education : nourishing the learning spirit. Saskatoon : Purich Publishing Limited. Melissa, N. (2006). Ravens, Storms, and the Ecological Indian at the National Museum of the American Indian. Wicazo Sa Review, 21(2), 41-60. Stein, S. (2020).’ Truth before reconciliation’: the difficulties of transforming higher education in settler colonial contexts. Higher Education Research & Development, 39(1), 156-170. Yusoff, K. (2018). A Billion Black Anthropocenes or None. Minneapolis : University of Minnesota Press. Zembylas, M. (2021). Refusal as affective and pedagogical practice in higher education decolonization: a modest proposal. Teaching in Higher Education, 1-16.

Nos thématiques

Contenus associés